dimanche 23 décembre 2012

AnaCo 5/5 - Mvuandus et conjoncturés 1 (Les petits de la famille Poucet, Goliath et la première Intifada, les chrétiens atteint de la maladie du hochement de tête, la veilleuse de Noël, le gardien de la chambre des morts et le creuseur méritant, avide de reconnaissance sociale...)

Didier de Lannoy

Congo bololo

2012
 
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Mvuandus et conjoncturés 1

à Antoinette Safu Mbakata et à Roger Mazanza
(depuis le 21 décembre 2012 jusqu'...


Le petit Poucet

Lui-même  
- Dans son cas, c'est très clair, non ?
et tous autres gamins ou gamines de la famille Poucet sont... des enfants sorciers. Rejetés par leurs parents, chassés de la maison familiale, ils sont devenus  
- Au lieu de faire de bonnes études aux Loupiots, au cours Descartes ou au Lycée prince de Liège ! Ou même à Mawete ! Ou à l'Ecole américaine... ou en France ou en Belgique ou en Chine ou au Canada ou en Afrique du Sud ! Au lieu de servir la messe et de jouer au scout comme les enfants de quelques bonnes familles chrétiennes des « localités de premier rang »*... ou de sortir en ville (Ilevel, Space, Cristal, etc) avec des dollars plein les poches (il n'y a pas de droit d'entrée mais le whisky à 80 dollars la bouteille, ce n'est pas donné... et le champagne non plus) et un chauffeur-garde du corps !
shégués, creuseurs, chargeurs ou kadogos... ce qui ne les empêche pas de rêver !

On dit que les shégués rêvent de devenir « shayeurs »   
- Maï a pio ! Mouchoirs ! Maki !
et que les shayeurs rêvent de devenir vendeurs de journaux...
On dit que les creuseurs rêvent de devenir « wewas »... 
On dit que les kadogos rêvent de devenir « bana Mura »...
On dit que les chargeurs rêvent de devenir « comptables » et que les « comptables » rêvent de devenir chauffeurs et que les chauffeurs rêvent de devenir chanteurs de Wenge Musica Maison Mère...

On dit aussi que beaucoup de ceux dont les rêves ne se sont pas réalisés deviennent des
« kuluna » .


* Les « localités » dites « de premier rang » sont les différents quartiers de la "République de la Gombe" (dont les ressortissants sont réputés ne rien connaître du reste de la ville et du pays) et des communes de Limete (à l'exception des quartiers Mombele, Mososo, Salongo et Kingabwa Village) et de Ngaliema (à savoir, particulièrement, les quartiers Ma Campagne, UPN, Binza Pigeon, Mont Fleuri, Avenue des Ecuries, Mampenza, Gulf, Mimoza, Utexafrica, GB et Baramoto, Chanic)... auxquels s'ajoutent certains quartiers des communes de Lemba (quartier Gombele), de Lingwala (quartier Beau vent, quartier Boyata et Cité Golf jusqu'à l'avenue des Huileries) et de Barumbu (le quartier Bon marché de l'avenue Aérodrome jusqu'au pont Bitshakutshaku); à propos des catégories de localités de la ville-province de Kinshasa (réparties en localités de 1er, 2ème, 3ème ou 4ème rang) relevant chacune d'un taux d'impôt foncier différent, voir particulièrement un "Message à la population kinoise", non daté, signé par "le Gouvernement provincial de Kinshasa", tel que paru, notamment, dans L'Objectif, n°227 du 14 au 19 décembre 2012

Cinq délivrés, quatre en instance

A moins de 10 jours avant la fin du monde, ils étaient neuf malades, neuf chrétiens atteints de la maladie du hochement de tête, réunis en séance de « prière de délivrance » autour d'un pasteur... lorsqu'ils ont été frappés par 
- La foudre ? Un engin militaire ?
Dieu ! Et
 
- Elus ! Pointés ! Touchés !
invités à le rejoindre au Paradis.

Le pasteur
 
- Il n'était pas encore prêt ? Il préférait attendre la fin du monde ?
- Meuuuuuuuuuuunon ! Sans doute ne souffrait-il pas de la même maladie que ses brebis !
n'a pas été délivré et continue à prier...



Lapidation ? 
Intifada ? Rébellion ou révolution ?

Goliath était un « grand » qui aimait la bagarre et qui organisait des concours de crachats dans la cour de récréation et qui prélevait sa dîme sur les vendeuses de mikate et qui se faisait bien voir par le directeur de l'école en lui amenant de force des gamines de 5ème et de 6ème année primaire et 
- Il aurait reçu en pleine gueule une pavé lancé par un certain David et sa bande de voyous ! Sans doute les petits frères des gamines !
qui prenait toujours la meilleure place tout au fond de la classe et qui...

A moins qu'il ne s'agisse
d'un Mvuandu en short et polo blanc et 
- Jamais de baskets!
chaussures de tennis, avec serviette autour du cou, buveur d'Armagnac,
de Jack Daniels et  
- Jamais de lotoko, ni de kasiksi, ni de supu na tolo !
de Black Label q
ui échangeait chaque soir quelques balles et faisait même un set ou l'autre avec des amis bien choisis au Cercle de Kinshasa, au Cercle Elaïs, au Grand Hôtel, au Shark (ex-Athénée), au Cercle français, sur les terrains de la concession Utexafrica ou de la concession BCDC en face de l'ambassade de Chine et à côte du quartier général de la Monusco et de l'ambassade américaine...

Il aurait reçu une boule de pétanque dans les couilles lancée  
- Ou un coup de tête balancé en pleine gueule ! Kamon !
par un jeune ramasseur de balle alors qu'il s'apprêtait à monter au filet...


La veilleuse de Noël
ou la "prévenue" ?

Seize ans passés ! Comment une jeune fille
 
- Soni trop ! Tout le monde se moque ! C’est aussi grave que d’être “mosutu” pour un garçon !
peut-elle encore rester vierge alors que la plupart de ses copines ne le sont plus ? Comment ne pas suivre l'exemple de Marie ?

Noël, voici enfin venues 
- Allelu ?
- Yaaaaaaaah !
les Fêtes de la Nativité ! C'est l'occasion attendue depuis tellement longtemps !

Une jeune fille décide
 
- Libertééééééé ! Nalingi natikala libre lokola motema elingi !
de mentir à ses parents...
Elle leur annonce qu'elle doit participer, avec sa classe, dans le cadre de travaux pratiques obligatoires du cours de religion, à une semaine de veillées de prières et de sanctification qui se tiendra tous les soirs, de 19h à
 

- Pour des raisons de sécurité !
l'aube, dans la salle des fêtes de la paroisse ou 

 - Elle ne savait pas encore très bien !
du diocèse... afin de rendre gloire au Tout-Puissant, obtenir la bénédiction du Seigneur et prier pour le salut de l'âme des pêcheurs... et elle s'en est allée
- Pimpon pole...
allègrement, avec des dessous propres et 

 - On ne sait jamais ? Pour affronter les "quiproquos" ?
du linge hygiénique emprunté à une tantine ou à une grande de l'école... passer les soirées du “vendredi saint avant la Noël”, du samedi saint, du dimanche saint, du lundi saint... et la soirée de la messe de minuit et du réveillon
 
- Avec un copain de l'école ? 
- Avec un jeune et beau Mvuandu de trente-cinq ans à peine, bien sapé, au volant d'une belle voiture... qu'elle avait rencontré, deux mois plus tôt, du côté du rond-point Victoire, alors qu' elle attendait son taxibus ! Il lui avait fait signe de s'approcher de la bagnole et lui avait proposé de la conduire jusqu'à l'école... Il lui avait dit qu'il l'avait remarquée depuis longtemps... Et qu'il l'aimait  !
sur les terrasses et dans les bars de Kalamu... et  

- Lakisa talents na yo ! 
finir ses nuits dans un hôtel* de la commune de Kasa-Vubu, sur Assosa ou 
- Elle ne savait pas encore très bien ! C'est lui qui connait ! C'est lui qui conduit !
sur l'avenue de la Victoire...

Elle se voyait déjà fiancée, presque “mariée” (financée
 
- Sombela ngai Saint Glace ?
- Saint Glace ?
- Masengele, ko !
- Bien sûr ! 
- J'ai besoin d'unités pour mon portable !
- Bien sûr !
- J'aurai aussi besoin, chéri na ngai, d'un nouvel uniforme bleu-blanc, de baskets neuves et de chaussettes blanches ! Pas pour tout de suite ! Pour la rentrée, en janvier ! 
- Bien sûr !
- Tu m'offres un Blackberry pour la nouvelle année ?
- Bien sûr ! Et même un short en jeans, si tu veux ! Un body, des serre-corps, des strings, tout ce que tu veux !
voiturée, installée) et comptait sur la complicité implicite de ses parents dont les charges allaient bientôt se trouver allégées...

Mais les parents et la fille ont à peine
 
- Tu aurais pu faire attention, non ? Tu aurais dû savoir ! Ne me dis pas que tu ne savais pas !
eu le temps de tester le « bon samaritain » qu'une  
- Coop ebeti poteau !
grossesse est survenue... quelques semaines après les fêtes de fin d'année ! Et voilà la pécheresse et la débauchée chassée de son école, de façon infamante
 
- Avec interdiction d'avorter sous peine de commettre un deuxième péché mortel, encore plus grave que le premier! Et la situation sociale précaire de votre famille n'est pas un argument, ma fille ! Il fallait y penser plus tôt !
à un an de la terminale et des examens d’Etat ! Et la voici menacée et abandonnée par son Mvuandu, parti rapidement "en mission" à Mbuji-Mayi, à Lubumbashi ou même à Goma

 - Un faux Mvuandu ! Il dépensait sans compter l'argent... que sa compagne, Mamou, célèbre femme d'affaires de la place ou opératrice politique de haut niveau, mettait à la disposition de son Mario ou de son petit poussin... et conduisait de façon flamboyante une voiture... dont sa compagne était légalement la seule propriétaire ! Une femme pareille, ça ne se quitte pas !
qui avait bien trop peur d'être viré et de perdre son emploi et de se retrouver à la rue, sans un sous, à pied.

Et la fille ?
Ben, la fille, il ne lui reste plus qu'à chercher une place dans une autre école et à reprendre l'année perdue ou
 
- Si les parents (déniaisés, déçus et démunis) en ont encore les moyens... alors que le papa, petit fonctionnaire fraîchement bancarisé n'a plus été ni promu, ni même augmenté depuis très longtemps... et que la famille doit à présent faire face à une charge supplémentaire: l'entretien d'un bébé qui n'avait pas été prévu...
de s'inscrire dans un centre d'apprentissage en coupe-couture, d'apprendre un métier et de gagner sa vie... ou de faire la puuuuuuuuute à Bandal ou au quartier Bon marché et
 
- Vraiment ! A donf ! Sans tricher !
d'aller chanter dans une chorale et de prier le Seigneur et de demander au Tout-Puissant de lui trouver un mari... même d'occasion, même de seconde main, même un abbé de la paroisse, même un Blanc ?

*Un de ces petits hôtels de veillées de prières pour frères et soeurs en Christ... où, d'habitude, une mère de famille chrétienne ne va pas avec son mari et que le père de famille chrétienne fréquente
- L'homme et la femme s'arrangeant, tacitement, pour ne pas prier le même jour et au même endroit ! 
avec une autre épouse que la sienne...

Le gardien de la chambre des morts

Dans cette ville carrefour, mal électrifiée, sans eau courante, située au croisement d'une seule route goudronnée et de nombreuses autres routes en terre, la 
- Même pas froide !
chambre des morts de l'hôpital général de référence ne disposait plus
- Certains en ont profité pour partir sans payer !
d'un gardien des morts ayant à coeur
 
- Ce n'était pas tenable ! J'ai dû laisser tomber !
de les surveiller et de leur faire les poches
et de somnoler et de s'assoupir à leur chevet, une kalachnikov sur les genoux
et de négocier leur libération avec les familles éprouvées


Le « creuseur » méritant

Il pouvait se vanter d'avoir tout creusé : l'amour et la trahison, Tintin au Congo et Kimpwanza cha-cha tubadiki, le Grand Kallé et le Docteur Nico, la rébellion à Kisangani et le coup d'Etat de Mobutu, la naissance et la mort, la zaïrianisation et la radicalisation, le recours à l'authenticité et la conférence nationale souveraine, la nwa et le lotoko, les sacrements et les fétiches, la Primus et la Skol, Tabu Ley et Luambo Makiadi, le PPRD et l'UDPS, l'argent et encore l'argent et encore l'argent et encore l'argent...
Il avait même, disait-on, dans sa splendeur passée
 
- Que sont-elles à présent devenues ?
été propriétaire de quatre grandes parcelles, qu'il avait cimentées et de quatre
 
- Toutes confortablement installées ! Chacune dans une parcelle (avec quelques petites cousines-servantes) !
splendides femmes de poids qu'il avait richement dotées et abondamment engrossées...
C'était un grand creuseur, un monstre sacré de l'industrie du creusement en RDC

Cruellement frappé par la crise du diamant... et terrassé ensuite par un AVC dont il peinait encore à se remettre... devenu mpiakeur et trop âgé désormais pour pouvoir espérer 
- Devenir wewa ?  Ozosakana na ngai ?
se reconvertir, le creuseur déchu aspirait néanmoins, à une reconnaissance sociale du chemin parcouru, du destin accompli, de l'oeuvre réalisée... et souhaitait 
- Il était à la recherche d'un manager-mécène patriote qui connaîtrait sa glorieuse histoire et accepterait de financer sa candidature...
que la nation lui témoigne publiquement son admiration et lui octroie, à l'occasion d'une cérémonie solennelle qui ne pouvait avoir lieu 
- Nulle part ailleurs ! Le Regina a été creusé par des suricates et rongé jusqu'à l'os par des "mpuku" affamés et le Memling, même transformé, n'a plus la même « aura » qu'à l'époque coloniale ! Et le Grand Hôtel Kinshasa n'est plus ce qu'il était du temps de Mobutu et du Mouvement Populaire de la Révolution... quand il s'appelait encore l'Intercontinental !
qu'à l'hôtel du Fleuve Congo, un diplôme de mérite pour sa contribution significative à l'essor du secteur du creusement en RDC.


ddl
alias Vié ba Diamba